A l’occasion de son 55e anniversaire, la Télévision tunisienne a diffusé, lundi dernier, un documentaire basé sur ses archives qui ne laisse pas indifférent, histoire de la pionnière de tous les petits écrans dans un petit pays qui, à l’époque, voyait grand. Au commencement était la volonté politique de combattre l’ignorance et l’obscurantisme.
C’est à croire que les Tunisiens étaient un autre peuple dans les années soixante. C’est à croire qu’on nous a extorqué ce peuple-là et qu’on nous l’a échangé avec un autre moins brillant, peu motivé râleur et moins élégant… Force est de le croire ! Nous ne sommes pas nostalgiques, attention! Mais ces images forcent le regard qu’on porte sur nous-mêmes et, pour peu qu’on ait la moindre conscience citoyenne, nous sommes gentiment invités à nous remettre en question, à ne pas confondre donc nostalgie et remise en question de soi devant ce miroir que nous a tendu ce document. Un document préparé par Imed Gamoun. On l’envie presque parce qu’il a eu la chance de visionner des centaines et des centaines d’heures de rushs anciens qui constituent aujourd’hui des perles non sans émotion, on l’imagine… Des archives qui gagneraient à être numérisées et classées façons INA en France. D’ailleurs, le projet a démarré et s’est arrêté brusquement, croit-on savoir. Il en a extrait plus de deux heures convenables attachantes, sans tomber dans la politisation pure et dure de l’histoire de la Télévision tunisienne. Le fait que la télévision était une arme dont Bourguiba lui-même se méfiait. C’est pour cela qu’il tenait à nommer lui-même ses directeurs. Suivra ensuite l’arrivée de Ben Ali qui s’en est saisie aussi. Mais tout cela, on le sait et on peut gloser dessus pendant des heures, mais le message était ailleurs. Comment la télévision a façonné l’imaginaire du citoyen tunisien ? Comment elle a élevé son goût et l’a sensibilisé à la culture ? Comment elle a fait de lui un spectateur féru de pièces de théâtre, de feuilletons et de sitcoms aujourd’hui célèbres, comme «Haj Klouf» ou «Ommi Traki». Certes, elle n’était pas une télévision où la parole était libre, mais une télévision qui contribuait à sortir le peuple tunisien de l’ignorance et de l’obscurantisme. A l’époque, c’était un travail de titans avec les moyens du bord. Une époque où il y avait moins d’ego et énormément d’enthousiasme, une époque où il y avait une fabuleuse énergie qui circulait sur l’avenue de la Liberté où siégeait l’Ertt. Nous apprécierons particulièrement ces interviews effectuées entre les années 60 et 70 pendant le casting des présentatrices de télévision, ainsi que celles des monteuses. Nous apprécierons ces regards pleins d’entrain, d’enthousiasme et de bonhommie, des regards bourrés par la fierté d’être Tunisiens. C’était l’époque aussi où les Tunisiens, moins arrogants, effectuaient des études à l’étranger et retournaient dans ce petit pays pour construire. Aujourd’hui, on effectue le mouvement inverse…
Non ce n’est pas de la nostalgie, on vous dit… C’est une profonde remise en question !